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Ma peau est-elle si unique que ce que l’on me fait croire ?  

       La personnalisation s’est aussi développée du fait des recherches menées en biologie, aidant à mieux comprendre le fonctionnement de la peau. Comme vu précédemment, la peau est un organe à part entière : elle vit, évolue au cours de la vie et réagit différemment suivant l’environnement extérieur et les émotions ressenties par l’individu. Les consommateurs ont intégré le fait que leur peau était différente génétiquement, mais aussi qu’elle réagissait différemment aux facteurs extérieurs, que ce soit le stress, la pollution, les saisons ou l'alimentation par exemple.


       Mais nous pouvons alors nous demander : la peau d’un individu est-elle si différente de celle d’un autre ? Possédons-nous des caractéristiques particulières et donc des besoins cutanés différents les uns des autres ? Nous pouvons nous accorder sur le fait que la peau, en tant qu’organe, est génétiquement différente d’un individu à un autre. 


       Une différence évidente semble aussi être liée à la couleur de la peau. Mais si nous mettons de côté les différences d’intensité de pigmentation mélanique, la peau noire ou métisse possède-t-elle des caractéristiques particulières que les peaux plus claires ne connaissent pas ? La peau noire est caractérisée par un derme plus solide et dense, une peau plus compacte, une moindre perte en eau, une production plus importante de film hydro-lipidique, un pH cutané plus acide, une production plus abondante de sébum, une peau plus sèche en fonction de l’exposition aux UVB et des marques moins rapides du vieillissement cutané (Pauline Caussanel, 2018, p.32-34). Il existe donc bien des différences en fonction du phototype de la peau, le phototype étant un moyen d’élaborer une catégorisation des individus selon leur carnation, en association avec leur couleur de yeux et de cheveux. Le phototype se rattache directement à la réaction de la peau lors d’une exposition solaire. Nous pouvons trouver sur le site de La Roche-Posay le détail des différents phototypes identifiés. Bien que six phototypes soient cités ici, un septième est récemment apparu afin d’inclure les personnes albinos qui, ne synthétisant pas la mélanine, ne peuvent pas s’exposer au soleil.

Phototype I

peau laiteuse (rousse), brûle toujours, ne bronze jamais, très nombreuses taches de rousseur

Phototype II

peau claire, brûle toujours, acquiert parfois un léger hâle, nombreuses taches de rousseur

Phototype III

peau claire à mate, brûle parfois, bronze toujours (bronzage moyen), quelques taches de rousseur

Phototype IV

peau mate, ne brûle jamais, bronze toujours (bronzage foncé), pas de taches de rousseur

Phototype V

peau brune, ne brûle jamais, bronze toujours (bronzage très foncé), pas de taches de rousseur

Phototype VI

peau noire, ne brûle jamais, pas de taches de rousseur

       Par ailleurs, nous observons des différences entre la peau féminine et la peau masculine. La peau d’un homme est en moyenne 20% plus épaisse que celle d’une femme, elle est plus vascularisée, sécrète davantage de sébum permettant une meilleure hydratation et une meilleure protection de l’épiderme. Elle est aussi plus riche en collagène, donc plus résistante avec une souplesse supérieure. Mais elle est plus sensible que celle des femmes et réagit plus rapidement aux agressions extérieures. Ces différences sont notamment liées à l’imprégnation hormonale des hommes à la puberté, au moment où les androgènes (testostérone et dihydrotestostérone) sont sécrétés (Pauline Caussanel, 2018, p.36-39). 


       Nous comprenons donc que la peau d’un consommateur est différente de celle d’un autre, collègue ou camarade. Mais si elle est génétiquement différente, nous identifions toutefois quatre grands types de peau déterminés par ce patrimoine génétique et par la qualité du film hydrolipidique : la peau normale, grasse, sèche ou mixte.

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Les différentes types de peau

Ce tableau récapitulatif détaille les quatre grands types de peau et leurs caractéristiques.

       Ces types de peau étant définis génétiquement, ils ne peuvent être modifiés. Les dermatologues et autres experts du soin et de la peau sont à même de déterminer le type de peau d’une personne en effectuant certaines mesures telles que : les signes du vieillissement, son phototype, la production de sébum et de transpiration, les facteurs naturels d’hydratation, l’élasticité et la sensibilité. Nous parlons bien ici de types de peaux et non d’états de peau, qui eux peuvent varier au cours d’une vie.


       En effet, comme nous l’avons vu précédemment, la peau vit. Elle évolue avec le temps et en fonction de son environnement, et plus largement de son exposome. En outre, elle interagit avec de nombreux facteurs internes (stress, alimentation, médicaments, tabac, hormones, etc.) et externes (climat, pollution, cosmétiques utilisés, bactéries, etc.), qui vont avoir une influence et générer différents états, ceux-ci pouvant concerner tous les types de peau. Autrement dit, au sein d’un même type de peau, nos peaux se différencient par leur état, à un instant T, induit par des facteurs internes et externes propres à l’environnement. Deux personnes possédant une peau de type mixte peuvent donc posséder un état de peau très différent. Ces états de peau sont connus et nous distinguons les peaux : déshydratées, sensibles, acnéiques, matures, ternes et atopiques. 

   
       Si nous résumons toutes ces notions, nous avons donc tous et toutes des peaux génétiquement différentes, qui possèdent toutefois certaines caractéristiques similaires nous permettant d’établir quatre grands types de peau génétiquement définis. Enfin au sein même de ces types de peau, nous observons des différences dans l’état de la peau liées à des facteurs internes et externes. Ma peau est donc bien différente de celle de mon voisin ou collègue. 


       Si la peau est différente d’un individu à un autre, nous comprenons donc que nos besoins cutanés ne sont pas les mêmes. Une peau grasse et mature n’aura pas les mêmes besoins qu’une peau sèche et acnéique. Il s’agit donc bien, pour répondre aux besoins de chaque type et état de peau, de les identifier et d’appliquer des cosmétiques adaptés. Mais là aussi il faut comprendre que nos besoins sont multiples et évolutifs. Et qu’ils évoluent même très rapidement. 


       Or jusqu’alors, l’offre de soins cosmétiques classiques nous permet de trouver des produits qui répondent à un besoin particulier. Attardons-nous ici sur les gammes proposées, particulièrement en dermocosmétique. Bien souvent, les produits sont classés en Retail par marque, puis en fonction du besoin spécifique auquel ils vont répondre. D’où le choix des marques d’attribuer à un besoin cutané une couleur (chez Bioderma vous retrouverez les peaux à tendance acnéiques en vert, les peaux sensibles en rose ou encore les peaux sèches à atopiques en bleu) pour faciliter la compréhension et la lecture du linéaire par le personnel en magasin et les consommateurs, et ainsi leur permettre de trouver plus facilement le produit qu’ils recherchent. Les gammes et donc les rayons sont alors divisés en fonction des types et états de peau auxquels ils s’adressent.

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La photo ci-contre prise dans une pharmacie parisienne illustre bien la répartition par couleur et donc par problématique de peau choisie par la marque SVR. Nous remarquons que le code couleur utilisé par SVR est également bien défini selon les différents états de peau, avec la gamme pour peaux matures en doré/argenté, celle pour peaux sensibles en rose, celle pour peaux à tendance acnéique en vert, ou la gamme pour peaux abîmées en rouge.

       Les gammes développées par ces marques dermocosmétiques correspondent donc à des besoins cutanés spécifiques comme nous venons de le voir. Aussi, nous retrouvons des produits adaptés aux différents types et états connus d’une peau :

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Aperçu de différentes catégorisations de produits par types de problématiques de peaux ou de besoins cutanés, par des marques dermocosmétiques.

De gauche à droite : Uriage, Avène, Bioderma et La Roche-Posay

       Mais comment faire lorsque nous cumulons plusieurs états de peau différents ? Quelle crème vais-je appliquer si j’ai la peau à la fois terne, acnéique et sensible ? C’est là que les choses se compliquent. Le risque serait d’accumuler des produits cosmétiques qui, ensemble, pourraient venir fragiliser la barrière cutanée. En effet, une personne ayant des cicatrices ou des taches pigmentaires pourrait être tentée de combiner un produit à base de rétinol (va enlever les peaux mortes, stimuler la production de nouvelles cellules) et un autre produit à base de peroxyde de benzoyle (antibactérien, combat l’acné). Ce combo, bien que prometteur, peut assécher et abîmer la peau, qui sera fragilisée par le rétinol. Le consommateur, bien qu’ayant de nombreuses informations à sa portée, ne connaît souvent pas les propriétés chimiques des actifs qu’il utilise. Il risque alors d’endommager sa peau.


       C’est en ce sens que la personnalisation semble être la solution idéale. Les marques basent en effet leur offre sur une proposition de diagnostic de peau dans un premier temps, pour permettre aux consommateurs de se familiariser avec leur type de peau et trouver le soin skincare leur correspondant. Reprenons le cas de Laboté qui a développé un diagnostic poussé basé sur des questions portant sur le profil de la personne, son environnement et ses envies, afin de formuler un produit sur-mesure. Une fois le diagnostic établi, Laboté déclare confectionner “des soins uniques et sur-mesure dont les formules tiennent compte des besoins et particularités cutanés de chacun. Vous n'êtes pas un stéréotype. Vos cosmétiques ne seront pas standards.” (site Laboté). Et la fondatrice de Laboté, Lucile Battail déclare elle-même : “Mes client.e.s en pharmacie rentraient rarement dans les cases standard des gammes conventionnelles : elles avaient la peau sèche MAIS avec des brillances, des peaux déshydratées ET grasses MAIS ridées ... Ayant une peau grasse sujette à l'acné hormonale ET aux premières rides, j'étais également directement concernée. Je me suis lancée avec l'intime conviction qu'en tant que pharmacienne, spécialisée en dermopharmacie, je pouvais construire une alternative efficace dédiée à tous les oubliés de la cosmétique standardisée.” (site Laboté). A nouveau, la personnalisation dans les cosmétiques semble être la solution de mise pour avoir des produits de soins cosmétiques répondant à nos besoins, confectionnés par des spécialistes en formulation. 

Vers une démocratisation de la personnalisation dans le skincare ?

 

       Si la personnalisation dans les soins (skincare) nous apparaît comme une évidence, pourrait-elle un jour devenir la norme ?  La personnalisation semble en effet attirer les nouveaux acteurs qui y voient un moyen efficace de différencier l’expérience client, fidéliser et par conséquent améliorer les profits et retours sur investissements. Mais pour que cela devienne une norme, il faut que cette personnalisation se démocratise. Autrement dit, qu’elle se mette à la portée de tous. Or pour l’instant, cette tendance reste encore relativement peu connue et les prix pratiqués ne semblent pas encore permettre cette démocratisation. 


       En janvier 2021, nous avons mené une enquête auprès de 223 personnes issues d’horizons différents : 192 femmes et 31 hommes âgés entre 17 et 76 ans. Le but de cette enquête terrain était de comprendre les pratiques de consommation des clients concernant le marché des cosmétiques et d’observer leur connaissance et attentes vis-à-vis de l’offre de produits cosmétiques personnalisés. Aussi, à la question “Êtes-vous familier(e) avec le principe de cosmétiques personnalisés”, 87,4% des répondants répondaient de manière négative (Annexe IV). Cela nous confirme que malgré le développement de cette tendance, l’offre de produits cosmétiques personnalisés reste insuffisamment connue du grand public pour pouvoir parler de démocratisation.

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Notoriété de l'offre de soins personnalisés

Résultat de notre enquête terrain menée en janvier 2021 démontrant que l'offre de soins personnalisés était encore peu démocratisée.

       Par ailleurs, comme nous avons pu le voir en première partie, la personnalisation a longtemps été l’apanage des secteurs du luxe. Les prix pratiqués sur le marché des cosmétiques personnalisés sont alors très éloignés de ceux que nous rencontrons en grandes surfaces, pharmacies ou parapharmacies et tendent à se rapprocher de ceux pratiqués en parfumeries.


       Dans le graphique présenté ci-dessous, nous comparons les tarifs de différentes marques présentes sur le marché des soins cosmétiques personnalisés, en prenant comme produit de comparaison la crème de jour, au format de 50ml. Nous voyons ici bien que les prix sont nettement plus élevés que ceux pratiqués en grandes surfaces ou parapharmacies et pharmacies. Là où la crème de jour Bioderma se vend en moyenne 15€ (Hydrabio Crème – Soin onctueux hydratant- Pot 50 ml) et qu’une crème Nivea se vend 4,95€ (Soin de jour fraîcheur hydratation 24H - tube 50ml), les prix pour un soin personnalisé débutent à 29€ et peuvent monter jusqu’à 200€. Ils sont donc très hétérogènes. 


       Référons-nous à la typologie des degrés de personnalisation formulée par Les Echos Études, afin de classifier les marques de skincare personnalisés suivantes (Les Echos Études, Cosmétique sur-mesure et nouvelles technologies : un nouveau marché, septembre 2019) :

  • Degré 1 : Nivéa, Bioderma

  • Degré 2 : Typology, Dr. Pierre Ricaud, Etat Pur

  • Degré 3 : MADY

  • Degré 4 : Codage, Laboté, My Blend

  • Degré 5 : IOMA

Graphique
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Graphique comparatif des prix d'une crème de jour personnalisée suivant la marque et le degré de personnalisation

Malgré quelques exceptions, le prix semble relativement corrélé au niveau de degré de personnalisation (Annexe V).

       En croisant les prix ainsi que les degrés de personnalisation cités ci-dessus, nous pouvons constater quelques faits : 

  • Les marques aux degrés de personnalisation bas (1-3) ont des prix abordables, hormis pour Dr. Pierre Ricaud, dont les prix sont légèrement plus élevés. Or, nous devons signaler que depuis le début de nos recherches (début janvier à aujourd’hui, fin juin), les produits Dr. Pierre Ricaud ont toujours affiché une réduction de 50% sur le site. La crème de jour coûte donc 19,50€ au lieu de 39€ les 40ml, ce qui, nous le soupçonnons, doit être le prix véritable, moins amplifié par la marque.

 

  • Les marques situées au degré 4 affichent un prix similaire, il faut compter environ 65€ pour un soin de 50ml. Il y a pourtant une exception : My Blend, qui propose le même type de personnalisation que Laboté et Codage, affiche des prix bien plus élevés : il faut compter 200€ pour la crème de jour personnalisée, ce qui est justifié par la marque par une personnalisation qui semble très poussée, la marque indique “ce diagnostic nous permet de vous recommander vos soins sur mesure, adaptés à votre style de vie et aux besoins de votre peau à l’instant-t."

 

  • IOMA, située au degré 5, affiche des prix bien plus élevés par rapport au degré 4 (hormis My Blend). Nous pouvons alors nous questionner sur la valeur apportée par la technologie dans le service de personnalisation. Ici, le gain d’un degré de personnalisation implique au minimum un écart de 90€.

       Quelles sont alors les justifications apportées à ces prix plus élevés ? Le prix, en tant que marqueur de positionnement pour une entreprise, dépend de la marque qui le commercialise. Si nous nous référons au graphique, les marques IOMA ou My Blend se positionnent sur une offre plus haut de gamme que celles des marques MADY ou Etat Pur. Nous comprenons donc la différence de prix. Les prix ici très élevés sont en adéquation avec le positionnement de chaque marque. Les marques de luxe vendent en premier lieu un univers, une image liée à une idée de privilège. Elles touchent donc déjà des personnes qui souhaitent se différencier, se démarquer par leurs achats. Le type de clientèle ciblée constitue un indicateur clé dans la compréhension des prix. La personnalisation en cosmétiques semble à ce titre perdurer dans les codes du luxe et constituer une exigence inévitable. Elle justifie par le même biais le prix des produits selon les consommateurs qui sont 18% à déclarer que la personnalisation est importante lors de l’achat d’un produit de cosmétiques de luxe, contre 13% en 2013, selon une étude du Boston Consulting Group réalisée en 2018 (> 12 000 répondants dans 10 pays, Les Echos Études, Le renouveau des business models de la beauté, septembre 2020). 


       Le prix dépend aussi du circuit de distribution privilégié. Certaines marques seront présentes dans des commerces tels que Sephora, là où d’autres privilégieront des spas de renommée. Et d'autres marques telles que Typology se revendiquent comme “online only”, justifiant des prix plus abordables. Elles évitent grâce à ce modèle 100% en ligne sans intermédiaire, les coûts liés à la distribution en boutique. Les marges distributeurs sont importantes et l’espace disponible en rayon reste limité. Le lieu de vente est là aussi un marqueur du positionnement de la marque. Un produit distribué en spa aura tendance à être vendu plus cher car il sera accompagné d’un service unique et privilégié. 


       Et parce que la personnalisation est attachée à un service et à la notion de “production à la demande” (et non de masse), il apparaît aussi normal au consommateur que les prix soient plus élevés. La question qu’il reste à se poser est : le consommateur est-il prêt à augmenter le budget qu’il alloue à ses cosmétiques s’il s’agit de cosmétiques personnalisés ? Les résultats de notre enquête menée sur en janvier 2021 sur 223 personnes montrent que 82,5 % des répondants sont prêts à payer plus pour l’achat d’un cosmétique personnalisé (Annexe IV). 
 

Le prix des soins personnalisés

Un résultat de notre enquête terrain menée en janvier 2021 laisse entendre que les consommateurs sont prêts à payer un prix plus élevé pour des soins personnalisés.

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       C'est aussi la tendance constatée par Les Echos Études qui précisent “Notons par ailleurs que les clients sont prêts à accepter d'attendre plus longtemps et de payer davantage pour un produit personnalisé. Cette tendance est sensiblement plus marquée chez les jeunes générations” (Les Echos Études, Le renouveau des business models de la beauté, septembre 2020). Les répondants attendent d’un tel produit qu’il réponde entièrement à leurs besoins singuliers et qu’il soit accompagné des conseils d’un expert de la peau. Le prix élevé semble donc bien en cohésion avec les attentes des consommateurs. D’autant plus que nous remarquons que les exigences des consommateurs ont augmenté et que les marques se doivent d’être à la hauteur de celles-ci, au risque d’être remplacées par une marque concurrente dont la qualité s’ajuste avec le prix proposé, même s’il est plus élevé. Toujours selon les Echos Études, “75% des femmes françaises, tous âges confondus, se déclarent ainsi infidèles aux marques de beauté, 47% déclarant changer de marque en fonction des produits et 28% déclarant changer très souvent”. 


       Notons aussi que depuis 2018, les prix pratiqués sur le marché des cosmétiques personnalisés sont restés plutôt stables. La démocratisation de cette pratique ne se fait donc pas par la baisse des prix des marques présentes mais par l’arrivée de nouveaux acteurs qui viennent se positionner sur une image moins haut de gamme et ainsi proposer des prix plus bas tels que MADY, Etat Pur ou Typology. C’est aussi l’arrivée de ces nouvelles marques (souvent plus engagées) et de ces nouveaux modèles économiques qui justifie le comportement des consommateurs de plus en plus zappeur entre les marques. En effet, les consommateurs étant à la recherche de nouveautés, ces marques alternatives et de niche apportent un vent de fraîcheur dans le monde des cosmétiques et représentent une proposition intéressante et fiable, jouant en plus sur leur fort potentiel émotionnel. Elles insistent sur un aspect psychologique qu’est l’estime de soi et l’importance de prendre soin de son corps, en optant pour des produits efficaces sans négliger sa santé cutanée et l’environnement.

Des facteurs psychologiques expliquant un certain engouement pour cette offre

       Les produits personnalisés pourront-ils un jour venir concurrencer les prix des produits courants ? Mais ce scénario semble aujourd’hui peu plausible, la vente d’un produit personnalisé restant avant tout la vente d’un service. En effet, la vente d’un produit personnalisé surpasse la vente d’un produit standard notamment par l’attention et le temps passé par le professionnel à poser des questions, à noter les réponses et à élaborer une formule qui convient au consommateur. Ce sont ces étapes, ce contact avec le client qui enrichissent la vente et créent de la proximité et de la fidélisation entre la marque et le client.


       Les cosmétiques personnalisés apparaissent en effet comme un service au-delà du produit proposé. Afin de comprendre l’engouement autour des soins personnalisés, il est primordial d’étudier le côté psychologique qui rentre en jeu. David Laschet, dans son mémoire “La personnalisation comme réponse aux besoins des consommateurs” (2016), s’appuie sur les travaux de Volle et Rieunier pour expliquer les comportements des consommateurs. Pour comprendre le consommateur d’aujourd’hui, il faut partir de la notion de l’individu et son rapport aux autres (Laschet, 2016, p. 10-11) : les institutions traditionnelles (religion, syndicat…) qui permettaient de se construire une identité s’effritent,  si bien que le consommateur va chercher à s’accomplir, mais de manière individuelle et libre. En plus de cette notion, il faut prendre en compte le désir d’accomplissement de soi : “la consommation devient catalyseur d’identité individuelle : consommer se conjugue plutôt au verbe être qu’au verbe avoir” (Volle et Rieunier, 2007, p.47). Nous comprenons que la consommation est un moyen d’affirmer son identité et ses valeurs : c’est ce que nous retrouvons aujourd’hui dans le “consommer local” ou “Made in France” par exemple. Comme nous l’avons abordé en première partie, la consommation n’est jamais anodine mais reflet de nos convictions : elle est un marqueur social et va permettre au consommateur de rentrer dans un certain groupe social ou à l’inverse, s’en exclure. C’est ainsi que nous pouvons dire que l’achat répond au besoin social d’appartenance et participe à la visualisation de soi (Laschet, 2016, p. 10-11) : en achetant, le consommateur complète la vision qu’il a de lui-même et le reflet qu’il veut donner de lui aux autres.


       David Laschet va aussi citer les travaux de Salerno sur les attentes d’exclusivité (Laschet, 2016, p. 13), qu’il qualifie comme “des attentes d’exclusif, de spécial (...) de “non-disponible aux autres” ou à la plupart des autres”. L’exclusif peut prendre différentes formes : d’un petit mot écrit à la main ou d’un service différencié et privilégié par exemple. Ces différentes formes d’attention rendent l’expérience marquante et mémorable pour le consommateur qui se sent unique et différent. Le principe de rareté en application ici, signifie par ailleurs l’indisponibilité pour les autres, et donc la valorisation du consommateur. Ce dernier va alors trouver dans la personnalisation la rareté et l’unicité qu’il recherche : le produit ou le service sur-mesure est d’autant plus attrayant qu’il a été conçu pour lui.


       Nous pouvons alors nous questionner sur les raisons qui poussent le consommateur à consommer du personnalisé : est-ce réellement l’efficacité prônée par certaines marques ou l'attention toute particulière portée sur lui, suite à sa demande ? Dès lors, l’attrait du sur-mesure ne réside-t-il pas plutôt dans le geste plutôt que dans la formulation unique ? En effet, le formulateur qui va dans son laboratoire concevoir la crème, directement à la suite de la demande client, répond aux besoins d’attention, d’exclusivité et d’appartenance sociale. Une marque comme Laboté nous indique que le sur-mesure (pour cette marque) repose davantage sur le geste que sur la formule. C’est la commande prise par le professionnel et l’exécution du service puis du produit sur place, qui font que la personnalisation sera toujours perçue comme une amélioration réelle de l’expérience client, et le prix sera alors justifié par ce service unique. Il en demeure qu’en 2021, les soins personnalisés ne sont toujours pas la norme en matière de cosmétiques et qu’ils pourraient même perdre de leur prestige selon Euromonitor. Dans l’étude “How is Covid-19 affecting the top 10 Global Consumer trends 2020?” publiée en avril 2020, il semblerait que la demande de personnalisation en produits et services pourrait tendre à baisser du fait de l’épidémie mondiale (Les Echos Études, Le renouveau des business models de la beauté, septembre 2020, p. 86), les consommateurs souhaitant retrouver du contact avec autrui et privilégier le partage d’expériences sur des produits communs.

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